Les colloques environnementaux : des pratiques aux normes

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UFR Lettres et Sciences humaines, Brest
Colloque Les colloques environnementaux : des pratiques aux normes

Le champ d’étude des communs s’est développé considérablement ces dernières années. Ouvert notamment par les travaux de la politiste et économiste Elinor Oström (Oström, 1990), ce champ de recherche mobilise plusieurs disciplines : philosophie, droit, économie, science politique, anthropologie et histoire. Puisqu’il s’agit dans ce champ d’étudier les conflits d’usage et les noeux juridiques, bundle of rights¸ à l’œuvre dans les communs, plusieurs objets peuvent être concernés : pêcheries, internet, régimes internationaux. Nous souhaitons, avec cette journée d’études, mettre l’accent sur un type particulier de commun, les communs environnementaux. Ils peuvent être définis comme espaces dont l’altération ou la destruction contribue à l’érosion des conditions de reproduction de la vie humaine et du vivant vertébré (Cadalen, 2020; Castel, 2018; Wallenhorst, 2020).

Les communs environnementaux sont devenus un enjeu de pouvoir majeur ces dernières années, dont l’envergure est immédiatement internationale (Beau and Larrère, 2018; Bellier, 2012; Gemenne, 2015), et l’évolution déterminée également par des dynamiques économiques, sociales, politiques à l’œuvre aux niveaux des macro-régions, des nations ou des localités diverses (Grove, 2019; Hornborg et al., 2007; Morton, 2019; Wainwright and Mann, 2018).

Ces communs ne sauraient être exclusivement locaux ou globaux, et ces trois demi-journées d’étude visent précisément à analyser l’intrication des niveaux de pouvoir à l’œuvre dans le gouvernement des communs environnementaux. Théorie politique du gouvernement des communs, circulation des savoirs environnementaux, création et historicité des régimes internationaux : tels sont les trois grandes lignes d’organisation de cet événement académique, et les trois axes dans lesquels doivent s’inscrire les communications. Des communications articulées à l’étude d’un cas spécifique – régime international, commun environnemental particulier, savoirs autochtones déterminés – sont bienvenues.

Nous envisageons sérieusement de regrouper les travaux issus de ces trois demi-journées d’étude en un dossier spécial d’une revue française en sciences sociales.

1. Théorie politique et gouvernement des communs environnementaux 

Responsable de l’axe thématique : Pierre-Yves Cadalen

Dans le cadre de ce premier axe de recherche et de proposition de communications, il s’agit d’inscrire les propositions de communication, à partir de cas d’étude, dans les questionnements suivants : qui gouverne les communs environnementaux ? Quelle est ou quelles sont la (les) communauté(s) légitime(s) à gouverner les communs environnementaux ? Quelles sont les dynamiques structurantes qui produisent la protection ou la destruction des communs environnementaux ?

Une dimension particulière unit ces considérations. Il s’agit de la question de la souveraineté, singulière au regard des enjeux et dynamiques écologiques. Quel est le rôle de la souveraineté étatique dans le gouvernement des communs environnementaux ? Des travaux nombreux et récents sur la souveraineté et propriété (Borrits, 2018; Crétois, 2018; Dardot and Laval, 2020; Graber and Locher, 2018) invitent à poser cette question à nouveaux frais. Les propositions de communication veilleront à inclure cet aspect décisif dans la réflexion proposée autour du gouvernement des communs environnementaux. Pour ce qui est des relations internationales, une telle dimension peut se fonder notamment sur les travaux susmentionnés de Joel Wainwright et Geoff Mann (Wainwright and Mann, 2018).

L’enjeu, ici, est de construire un dialogue interdisciplinaire sur les communs environnementaux et les pratiques de pouvoir qui en déterminent l’évolution. Pour l’heure en effet, la tendance générale à la destruction des communs environnementaux est claire (Chakrabarty, 2018, 2009; Charbonneau, 2010). L’intérêt de ce premier axe de communication est donc d’ouvrir la réflexion de ces trois demi-journées autour des conditions de possibilité de la réorientation des dynamiques socio-écologiques actuelles. Des travaux de politistes, d’économistes, d’historiens, de philosophes ou d’anthropologues peuvent tous contribuer à une réflexion utile à ce sujet. 
Toute proposition structurée autour d’une proposition d’analyse des logiques de pouvoir à l’œuvre dans le gouvernement des communs environnementaux sera étudiée dans le cadre du premier axe thématique de cet appel.

2. Communs locaux - savoirs locaux

Responsable de l’axe thématique : Aude Chesnais

La question de la gouvernance des communs au niveau local dépend en grande partie des spécificités économiques et politiques des espaces concernés. Plus encore, la configuration géopolitique des espaces définit la construction sociale d'un certain rapport à la terre et des savoirs écologiques traditionnels, ce qui influence également le champ des possibles de la gouvernance des communs environnementaux. Pour cette raison, la question de la mise en pratique des savoirs écologiques locaux dans la gestion des communs environnementaux est indissociable de leur historicité.

En outre, alors que la gestion des communs a intrinsèquement un enjeu international, la répartition des responsabilités et l'impact des acteurs varie énormément. Un nombre croissant de chercheurs s'intéresse notamment à l'ensemble des valeurs et pratiques qui ont conduit à l'Anthropocène. Ces recherches incluent souvent une remise en question du terme même d'Anthropocène, qui a lui seul lisse ces responsabilités environnementales au niveau global. En effet, le changement climatique peut être largement attribué à la "course à la destruction" conséquente au capitalisme mondialisé, et dont le succès continue de dépendre de l'expansion coloniale, de l'extraction des ressources naturelles d'autres peuples, et de l'établissement d'une division du travail mondiale et racialisée. Ainsi, pour les peuples autochtones et nombres de peuples colonisés, l'utilisation des savoirs écologiques traditionnels est subordonnée à la question de la souveraineté territoriale.

Cet axe de recherche invite à réfléchir sur l'articulation entre savoirs écologiques traditionnels et souveraineté territoriale.

Mots-clefs : TEK ; Land stewardship and sovereignty ; Global land grab ; Visibility of knowledge systems ; Relational ontologies ; Indigenous Peoples ; Radical imageries ; Two-eyed seeing ; Peoplehood ; Breton Specifics

3. Droit et politique - construction des régimes internationaux

Responsable de l’axe thématique : Marie-Clémentine Corvest

Ce dernier axe de communication propose de penser les ponts entre théorie(s) des communs environnementaux et pratique(s). Veillant au maintien de la dynamique interdisciplinaire des échanges portés par les deux premiers axes, il s’agit, dans un premier temps d’envisager et d’interroger les systèmes, les institutions et les structures juridico-économiques et/ou politiques qui définissent, réglementent et régulent l’utilisation et l’exploitation des communs environnementaux. Par ailleurs, il apparaît nécessaire de porter un regard particulier aux notions de dommage écologique, dommage environnemental ou encore de régime environnemental ainsi qu’à leur matérialité.

La mise en lumière de ces éléments induit une mise en perspective internationale et une appréciation des systèmes et des régimes internationaux dans leur entièreté. Dans la poursuite des travaux de Thomas Weiss la Troisième ONU (Weiss and Carayannis, 2021), la production et les producteurs des normes juridico-politiques environnementales pourront faire l’objet de communications. La question actorielle ouvre les perspectives d’une analyse comparatiste et d’un retour aux problématiques posées par les deux premiers axes de la journée d’études par l’appréhension des différences entre les normes, les définitions juridico-économiques des communs environnementaux et les objets politiques et sociologiques qu’ils sont.

Cet axe interroge les modalités selon lesquelles se structurent - entre autres - les régimes internationaux de l'environnement (Morin and Orsini ; 2022), à la croisée des problématiques de gouvernance, du droit de l'environnement et des relations internationales. L'ajout d'une perspective historique (Jarrige and Le Roux, 2017) est bienvenu.

  • Beau, R., Larrère, C. (Eds.), 2018. Penser l’anthropocène.
  • Bellier, I., 2012. Les peuples autochtones aux Nations Unies : un nouvel acteur dans la fabrique des normes internationales. Critique internationale 1, 61–80.
  • Borrits, B., 2018. Au-delà de la propriété : pour une économie des communs, L’ horizon des possibles. La découverte, Paris.
  • Cadalen, P.-Y., 2020. L’Amazonie et le vivant à l’épreuve de l’écopouvoir. Raisons politiques 4, 77–90.
  • Castel, P.-H., 2018. Le mal qui vient : essai hâtif sur la fin des temps. Les éditions du Cerf, Paris.
  • Chakrabarty, D., 2018. Changement climatique et capitalisme. Esprit 1, 153–168.
  • Chakrabarty, D., 2009. The Climate of History: Four Theses. Critical Inquiry 35, 197–222.
  • Charbonneau, B., 2010. Finis terrae, Collection La ligne d’horizon. À Plus d’un titre, La Bache.
  • Crétois, P., 2018. L’accaparement des biens communs. Presses Paris Nanterre, Nanterre.
  • Dardot, P., Laval, C., 2020. Dominer : enquête sur la souveraineté de l’État en Occident. La Découverte, Paris.
  • Frioux, S., Lemire, V., 2012. Pour une histoire de l'environnement au 20ème siècle. 
  • Gemenne, F., 2015. L’enjeu mondial : l’environnement. Presses de Sciences Po, Paris.
  • Graber, F., Locher, F., 2018. Posséder la nature : Environnement et propriété dans l’histoire.
  • Grove, J.V., 2019. Savage ecology: war and geopolitics at the end of the world. Duke University Press, Durham.
  • Hornborg, A., McNeill, J.R., Martínez Alier, J. (Eds.), 2007. Rethinking environmental history: world-system history and global environmental change, Globalization and the environment series. AltaMira Press, Lanham.
  • Jarrige F., Le Roux, T., 2017. La contamination du monde. Une histoire des pollutions à l'âge industriel, Points, Histoire, Paris. 
  • Maertens, L., Mariek, L., 2016. Quand les organisations internationales se mettent au vert : acteurs, instruments et effets de l'appropriation de la question environnementale. Etudes internationales, 47, 5-28.
  • Morin, J-F., Orsini A. (Eds.), 2022. Essential Concepts Of Global Governance, Routledge, London.
  • Morton, T., 2019. La pensée écologique. Zulma, Paris.
  • Ostrom, E., 1990. Governing the commons. Cambridge University Press, Cambridge.
  • Wainwright, J., Mann, G., 2018. Climate leviathan: a political theory of our planetary future. Verso, London ; New York.
  • Wallenhorst, N., 2020. La vérité sur l’anthropocène.
  • Weiss, T., Caryannis T., 2021. The "Third United Nations" : how a knowledge ecology helps the UN think, Oxford University Press, Oxford. 
Affiche du colloque Les communs environnementaux : des pratiques aux normes