Ancrage et désancrage contextuel dans la caricature

Mise à jour le   23/11/2022

 

Ancrage et désancrage contextuel dans la caricature

Mercredi 27 avril 2016

UFR Lettres

 


 

  • 9:00-9:30 Laurence DALMON
    Traitement et actualisation du référent antique dans le dessin de presse.
     
  • 9:30-10:00 Natalia LECLERC
    La représentation dans les caricatures de Krokodil des menaces de guerre dans les années 1930.
     
  • 10:00-10:20 Discussion.
     
  • 10:20-10:30 Pause.
     
  • 10:30-11:00 André GUYON.
    Les dynamiques de l’ancrage et du désancrage dans Les « Fables » de La Fontaine illustrées par Lionel Koechlin (1998 – 2002). Le deuil d’une culture ?
     
  • 11:00-11:30 : Guillaume DUVAL (Caricaturiste et illustrateur)
    Autopsie d’une caricature.
     
  • 11:30-12:00 : Discussion.

 

Laurence Dalmon
Traitement et actualisation du référent antique dans le dessin de presse.


Il arrive régulièrement que le dessin de presse, reflet certes décalé mais par définition circonstancié d’une actualité immédiate, convoque l’Antiquité (comme thème graphique central ou comme simple indice iconique) : non sans paradoxe de prime abord. Si, opérant un détour par le passé lointain pour railler le contemporain, l’auteur consent à un certain degré de décontextualisation (par anachronisme et/ ou délocalisation), c’est que cette décontextualisation n’est évidemment qu’apparente et qu’au regard du référent antique, l’actualité satirisée offre des points de ré-ancrage instantanément perceptibles, des similitudes susceptibles de justifier le pont ou le détour. Cet humour de réactualisation s’inscrit, délibérément semble-t-il, dans une culture de masse, vulgate scolaire et humaniste qu’il cherche rarement à dépasser. Dans l’immense majorité des cas en effet, le référent antique est sollicité pour sa dimension allégorique, qu’il s’agisse de figurer des stéréotypes nationaux (discobole, temple en ruine, Vénus de Milo comme emblèmes de la Grèce; Sphinx, pyramides, hiéroglyphes ou momies pour l’Egypte ; louve romaine pour l’Italie…) ou de tourner en dérision des situations topiques en parodiant les épisodes célèbres – mythologiques, épiques ou historiques – qui leur ont conféré une portée universelle et intemporelle, archétypale ou proverbiale : l’aberration prendra les traits de Sisyphe ; le labyrinthe métaphorisera l’imbroglio ou la perplexité ; le cheval de Troie la duperie et le passage en force; l’assassinat de César la trahison politique; la figure de l’empereur mégalomane l’ivresse du pouvoir, celle du sénateur décadent la corruption, l’affairisme et le clientélisme etc.

 

Nous étudierons différents contextes d’ancrage d’un même référent antique dans des caricatures de presse récentes, ainsi que l’inventivité graphique qui préside à ces réactualisations.

 

Natalia Leclerc
La représentation dans les caricatures de Krokodil des menaces de guerre dans les années 1930.

 

La revue satirique Krokodil, revue qui avait le monopole du genre en URSS, même si d'autres revues pouvaient occasionnellement publier des caricatures, travaillait essentiellement sur la satire des pays étrangers, occidentaux, et sur les questions de relations internationales. Il n'était en effet pas question en URSS de proposer une vision satirique de la politique intérieure ou du pays.

Ce travail a pour objet la représentation de la montée des tensions dans l'Europe des années 1930 dans Krokodil. Il s'agit de souligner les caractéristiques des représentations des pays occidentaux dits impérialistes par le biais de la caricature de leur dirigeant, et de montrer comment un journal satirique utilisé comme outil de propagande en URSS s'est emparé des différents événements qui ont agité les relations internationales, dans une optique antifasciste d'abord, jusqu'au pacte Molotov-Ribbentrop, qui embarrassa beaucoup les caricaturistes.

 

 

André Guyon
Les dynamiques de l’ancrage et du désancrage dans Les « Fables » de La Fontaine
illustrées par Lionel Koechlin (1998 – 2002).
Le deuil d’une culture ?

 

Le dessin satirique est un genre complexe : il vise à proposer un regard sur le monde, à agir sur le regard, à convertir le regard. Sa méthode est de proposer à l’œil une énigme titillante qui, à la façon d’une devinette, engage à la recherche d’une réponse dont les éléments sont dissimulés dans le dessin. Le dessin satirique a quelque chose du mot d’esprit qui en appelle à l’intelligence intuitive, joue du sous-entendu et de l’allusion, suppose ou crée une connivence entre le dessinateur et le lecteur : celui qui comprend peut se contenter de sourire, mais l’intuition perçue est déstabilisante, elle pose une question.
Le dessin satirique suppose une stratégie intellectuelle qui associe des procédés d’ancrage (qui permettent d’identifier la réalité mise en cause et les éléments d’interprétation) et des procédés de désancrage (qui brouillent la vision, déplacent le regard et l’obligent à se mettre en quête d’un regard critique).
Je me propose d’étudier ce jeu, cette articulation de procédés et leur efficacité dans les « illustrations » des Fables de La Fontaine proposées par Lionel Koechlin dans Le Monde de 1998 à 2000, puis réunies en un volume publié en 2002. Plus que d’ « illustrations », il s’agit bien d’images satiriques : on y reconnaît tout un bilan critique des tares du monde, de la France et de l’âme modernes. Images de notre époque rappelées par la lecture des Fables : un tel projet entraîne un ancrage et un désancrage doubles et souvent antagonistes, et vis-à-vis de la fable et vis-à-vis du monde. On examinera et tentera de débrouiller ce jeu complexe. Il s’en dégage une interrogation très « fin-de-siècle » sur notre époque et sur le destin de la culture classique. Mais l’interrogation ne nous atteint-elle pas encore et toujours ?

 

 

Guillaume Duval
Autopsie d’un dessin de presse.