
A l’occasion des Journées Européennes de l’Archéologie qui se tiennent les 13, 14 et 15 juin prochains, partez à la découverte des parcours et travaux de recherches passionnants des archéologues de l’UBO !
Mieux connaître le mode de vie, le fonctionnement et les changements des sociétés qui nous ont précédés est un puissant levier pour mieux comprendre nos sociétés actuelles et anticiper leurs évolutions. C’est tout l’enjeu de l’archéologie, qui œuvre à reconstituer les sociétés humaines anciennes, via la découverte, la datation et la préservation de vestiges matériels du passé, contribuant ainsi à faire avancer les connaissances et nourrir les débats scientifiques sur l’histoire de l’humanité. Intrinsèquement pluridisciplinaire, l’archéologie mobilise aussi bien des historiens que des géographes, des généticiens, des biologistes, des anthropologues, des géomorphologues, des pétrographes, des topographes, des physiciens ou encore des chimistes. C’est une discipline à la fois très ancienne et en constante évolution, qui s’appuie sans cesse sur de nouvelles expertises scientifiques et de nouvelles technologies. Si l’archéologie représente on ne peut mieux l’exploration et l’aventure scientifique, c’est une démarche qui demande une grande rigueur, nécessitant des études, des documentations et des méthodologies très approfondies et qui suivent des protocoles stricts.
En France 50 000 sites archéologiques ont été expertisés en 20 ans, en France. L’archéologie préventive représente 85 % de l’activité archéologique française (Source Inrap 2021).
Au sein de l’UBO, université elle aussi intrinsèquement pluridisciplinaire, les recherches en archéologie sont conduites dans de nombreux instituts, du Centre de recherche bretonne et celtique (CRBC) à l’Institut européen universitaire de la mer (IUEM) en passant par le laboratoire Génétique, génomique fonctionnelle et biotechnologies (GGB), le laboratoire des Sciences et Techniques de l'Information, de la Communication et de la Connaissance (Lab-STICC), le Centre François Viète ou encore le laboratoire de Géoarchitecture. L’archéologie est par ailleurs enseignée au pôle universitaire Pierre-Jakez Hélias de Quimper, avec une licence en histoire de l'art et en archéologie.
Les parcours universitaires des étudiantes et étudiants en Licence Histoire de l’Art et Archéologie
A l’issue de la licence histoire de l’art et archéologie enseignée au pôle universitaire Pierre-Jakez Hélias de Quimper, les étudiantes et étudiants de la promotion 2022 étaient 72,2 % à poursuivre leurs études, celles et ceux de la promotion 2023 étaient 72,7 % et celles et ceux de la promotion 2024 étaient 88,9 %. Lorsqu’ils poursuivent leur parcours au sein de l’UBO, les étudiantes et étudiants optent pour le master 1 “Civilisations, Cultures et sociétés”, le master 1 “Patrimoine et musées, parcours Gestion des patrimoines architecturaux, artistiques et culturels” ou encore la licence 3 “Droit public”. En dehors de l’UBO, elles et ils se dirigent majoritairement vers des masters en archéologie et/ou en histoire de l’art.
En savoir + Découvrez la licence d'Histoire de l'art et de l'archéologie en vidéo
Comprendre les environnements passés est essentiel pour les scientifiques afin de mieux comprendre ce qui se passe aujourd’hui et ce qui va se passer demain, d’où un grand investissement de l’université pour les approches qualifiées de “paléos”. On essaye ainsi de comprendre ce qui s’est passé dans les écosystèmes marins ou sur la terre, sur des temps longs, en allant étudier ce qu’il y a dans les roches, dans les sédiments ou encore via la sclérochronologie avec l’étude des coquilles Saint-Jacques par exemple. On arrive à en tirer des informations précieuses sur l’évolution des écosystèmes, sur le climat ou encore la biodiversité. Quand on envisage l’interdisciplinarité, l’idée est d’avoir une approche intégrative sur une problématique commune. L’archéologie apporte une approche différente et complémentaire aux recherches que nous menons à l’UBO, que ce soit en sciences humaines et sociales, en sciences fondamentales ou en sciences marines. L’arrivée d’Yvan Pailler à l’UBO a contribué à apporter cette nouvelle dynamique via l’archéologie.
Vianney Pichereau, 1er vice-président, en charge du conseil d'Administration et de la Mer.
Il y a un véritable frémissement autour de l’archéologie au sens large à l’UBO et cela dans plusieurs de ses composantes. Beaucoup de collègues issus de disciplines très variées gravitent autour de l’archéologie et s’interrogent sur des questions traitant des interactions Homme/Milieu ou sur les trajectoires des socio-écosystèmes dans le temps long. Archéologues, géoarchéologues, géomorphologues, bioarchéologues, palynologues, sédimentologues, géologues, historiens de l’art, ethnolinguistes, géographes… Tous participent à une meilleure compréhension des sociétés passées.
Yvan Pailler, archéologue à l’UBO et titulaire d’une chaire de Professeur Junior
Jusqu’au début des années 2000, il existait à l’UBO une recherche en archéologie, développant des approches interdisciplinaires assez novatrices pour l’époque, croisant préhistoire et linguistique notamment. Avec la coopération du linguiste Jean Le Dû, l’archéologue Pierre Gouletquer publie plusieurs articles dans les années 1990 où il plaide pour une démarche interdisciplinaire entre « géographie linguistique et archéo-géographie ». En parallèle, des cours sont dispensés en licence 3 d’histoire à l’UBO et une association étudiante (association Tumulus) est également créée dans le but de vulgariser les recherches dans ce domaine et de fédérer les énergies.
Avec le départ en retraite de ces deux chercheurs, l’archéologie cesse complètement d’être enseignée à la faculté Victor Segalen. L’association Tumulus s’éteint rapidement et les perspectives de recherche futures ne sont pas suivies d’effet. Un tournant s’opère au milieu des années 2000 avec le démarrage d’un chantier de fouille archéologique sur l’île de Molène, initié par deux anciens étudiants de l’UBO dont la volonté est d’effectuer une archéologie « globale » dans ce milieu insulaire, c’est-à-dire une archéologie qui cherche à comprendre à la fois l’humain à travers ses modes de vie, ses pratiques, mais aussi son environnement et ses modes d’exploitation des ressources. Les découvertes se succèdent et, au terme de 10 années de fouille, cette recherche prolixe fait apparaître le pouvoir extrêmement fédérateur et résolument interdisciplinaire de l’archéologie maritime. En 2011, le recrutement de Cristina Gandini, archéologue spécialiste de la période gallo-romaine, donne également une vigueur nouvelle à l’enseignement de la discipline sur le pôle quimpérois de l’UBO.
Source : Le livre blanc de l’archéologie

Depuis une quinzaine d’années, une thématique de recherche portant sur l’étude des paléo-environnements côtiers et marins sur le temps long, à l’interface nature/société, s’est structurée au sein des différents instituts de l’UBO.
Cette démarche aboutit en 2020 à la création d’une chaire nommée ArMeRIE (Archéologie Maritime et Recherche Interdisciplinaire Environnementale) par l’UBO et l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives), regroupant plusieurs laboratoires de biologie marine, de géographie, de sciences humaines, de biogénomique, et de réalité virtuelle. L’équipe interdisciplinaire et transversale en recherche et en formation de la chaire ArMeRIE est conduite par l’archéologue Yvan Pailler. Ce dispositif s’est prolongé par la création d’une chaire de Professeur Junior (CPJ) pilotée également par Yvan Pailler, qui a pour objectif de promouvoir l’archéologie littorale à l’échelle de la Bretagne et à l’international, au sein des structures de recherche et des réseaux d’universités locaux et internationaux.
Aujourd’hui, on parle de plus en plus de socio-écosystèmes, à savoir un ensemble intégré et interconnecté de composantes écologiques et de composantes sociales en interaction constante, influençant mutuellement leur structure, leur fonctionnement et leur évolution. L’archéologie joue un rôle majeur dans l’étude et l’analyse de ces socio-écosystèmes. Les travaux menés par Yvan Pailler dans le cadre de la chaire ArMeRIE puis de la CPJ apportent ainsi des indications précieuses sur les sociétés littorales anciennes, comment elles fonctionnaient, se déplaçaient ou s’alimentaient. On possède depuis longtemps une expertise sur les paléo-écosystèmes marins. Aujourd’hui, grâce aux recherches en archéologie conduites par Yvan Pailler, on rentre dans une nouvelle dimension en développant une expertise robuste sur les paléo-socio-écosystèmes marins.
Vianney Pichereau, 1er vice-président, en charge du conseil d'Administration et de la Mer.
J’ai toujours rêvé de reconnecter la biologie et la mer avec l’archéologie. J’ai en moi depuis longtemps l’idée que les coquillages mémorisent l’environnement et peuvent raconter des histoires. C’est donc tout naturellement que j’ai entrepris à la fin des années 2010 le projet de réinvestir l’excellence des sciences maritimes brestoises sur des questions posées par les archéologues, mais aussi par les géologues, les géographes, les historiens, les physiciens ou encore les pétrographes. J’avais la motivation très forte de créer une transversalité fertile dans les différents laboratoires de l’UBO autour de l’archéologie. C’est ainsi qu’est né le concept de la chaire ArMeRIE, co-construite avec l’Inrap et pilotée par Yvan Pailler. On sortait de dix ans de fouilles à Molène, c’était le moment d’accélérer la dynamique avec ArMeRIE pour comprendre comment les hommes utilisaient les ressources marines et vivaient sur le littoral européen depuis les temps néolithiques jusqu’à nos jours. L’objectif pour l’Inrap via cette chaire était aussi de travailler à une archéologie préventive des littoraux face au changement climatique. Ce dispositif a permis de renforcer à la fois la visibilité et la notoriété des travaux en archéologie maritime à l’UBO. Aujourd’hui, je travaille avec Pascal Olivard, Président de l’UBO, Vianney Pichereau, vice-président en charge de la mer, et Frédéric Jean, directeur de l’IUEM, à des travaux de réflexion sur comment pérenniser cette dynamique autour de l’archéologie.
Yves-Marie Paulet, Biologiste et écologue des systèmes marins, professeur émérite à l'Université de Bretagne occidentale, chargé de mission en archéologie à l’UBO.
Portraits d’archéologues de l’UBO
Clara Valero : reconstituer l’histoire de la rade de Brest grâce aux sédiments
« Je suis palynologue*, spécialiste des microfossiles, et paléoécologue* ».

Clara Valero est doctorante au sein du laboratoire Geo-Ocean, mais son travail de thèse se situe à la croisée entre biologie et géologie. Sa spécialité : reconstituer l’environnement de la rade de Brest grâce à des données fossiles et sédimentaires, mais aussi historiques. Rencontre.
Comment devient-on doctorante en palynologie et paléoécologie ?
J’ai commencé par une prépa BCPST (biologie, chimie, physique et sciences de la Terre) pour ne pas avoir à choisir une seule discipline ! Puis j’ai voulu me spécialiser en océanographie, je suis donc venue à Brest en licence 3 de Biologie-Géologie, avant de poursuivre en master de géosciences à l’IUEM. Au cours de mon master, j’ai effectué deux stages avec Aurélie Penaud, enseignante-chercheuse en paléoclimatologie, qui est devenue ma directrice de thèse. Ma thèse se situe dans la continuité de mon stage de master 2.
Que faites-vous dans votre thèse ?
J’étudie les changements environnementaux dans la rade de Brest au cours des 150 dernières années pour comprendre à quoi ils sont dus. Je m’intéresse aux facteurs climatiques, mais aussi humains.
Les sédiments se déposent en couches successives qui enregistrent toutes les variations de l’environnement. Dans ma thèse, j’étudie spécifiquement des carottes sédimentaires prélevées à l’estuaire des fleuves de la rade de Brest. Chaque couche de sédiment est datée, puis isolée, pesée, tamisée et traitée pour ne conserver que la matière organique qui nous intéresse. Cette matière se concentre dans un résidu palynologique que je peux ensuite observer au microscope. Ainsi je peux déterminer à quelles espèces appartiennent mes microfossiles, et les compter pour avoir une idée des assemblages d’espèces et des variations dans le temps.
Ces archives sédimentaires sont ensuite comparées aux archives humaines, historiques et archéologiques, qui sont également mises en perspective avec des données climatiques.
Qu’avez-vous découvert ?
Concernant les pollens, j’ai observé des changements d’espèces liés à une déforestation du territoire il y a 4100 ans, avec une diminution des pollens d’arbre et une augmentation des pollens de graminées.
Sur des périodes plus récentes, j’observe également des modifications de la composition des sédiments et des assemblages fossiles, suite à l’augmentation du ruissellement et des apports d’éléments depuis la terre jusqu’à la mer, qui semblent fortement liés au remembrement des campagnes finistérienne dans les années 1960-1970. C’est la notion de transport, qui très importante : les sédiments marins donnent une image de tout le bassin-versant. Par exemple, les prélèvements de l’estuaire de l’Aulne reflètent les variations de l’environnement depuis les Monts d’Arrée.
Et après la thèse ?
Je suis actuellement en train de rédiger mon manuscrit de thèse et ma soutenance est prévue en fin d’année 2025. Pour la suite, j’ai déjà un projet de postdoctorat pour finaliser le projet de recherche PACTE* dans lequel s’inscrivent mes travaux.
Au cours de ces trois années de doctorat, j’ai fait beaucoup de médiation scientifique, notamment avec Océanopolis. J’aimerais donc poursuivre dans cette voie et avoir un poste de chercheuse-médiatrice. Ce n’est pas encore un métier très démocratisé, mais c’est essentiel pour moi d’ouvrir la science au grand public et d’avoir un impact utile et bienveillant sur la société.
*Scientifique spécialiste de l’étude des microfossiles à paroi organique (grains de pollen, spores, kystes de dinoflagellés)
*Scientifique spécialiste des écosystèmes passés
*"PAst to Current land-sea Continuum: socio-ecosystem Trajectories derived from a regional pilot site"
Pour en savoir plus sur les travaux de Clara : écoutez l'émission du LAB U #79 : Fouiller les archives sédimentaires dans la rade de Brest
Erwan Glemarec : l’archéologie pour retracer les paysages végétaux littoraux du passé
Erwan Glemarec, ingénieur de recherche au laboratoire Géoarchitecture, n’a pas

suivi un parcours linéaire : « J’ai réalisé mon doctorat tardivement, après avoir travaillé pendant plusieurs années dans différentes structures privées et publiques. J’ai commencé mon parcours par un BTS en gestion et protection de la nature, puis j’ai décidé de poursuivre mes études à l’université jusqu’au master en aménagement de l'espace et urbanisme. J’ai ensuite travaillé en tant que chargé d’études spécialiste de la flore et des végétations dans un bureau d’études, puis au Conservatoire Botanique Nationale de Brest. Et à 38 ans, je me suis lancé dans un doctorat, sur un sujet que j’ai co-construit avec mon directeur de thèse. C’est mon intérêt permanent pour l’écologie, la botanique et le patrimoine historique et culturel, qui m’ont donné envie d’aller plus loin et de me consacrer entièrement à un projet de recherche, mais aussi de me confronter à d’autres disciplines. »
Erwan Glemarec rejoint en 2021 le laboratoire Géoarchitecture de l’UBO et réalise une thèse en écologie historique des paysages végétaux des falaises littorales bretonnes, pour comprendre l’histoire et la dynamique des pelouses et landes littorales. Ce projet de recherche pluridisciplinaire mêle écologie des communautés végétales, sociologie, socio-histoire et archéologie : « Mon rôle était d'impulser et coordonner ces différents axes de recherches avec les laboratoires et scientifiques partenaires. Si on se focalise sur le volet archéologique, nous cherchions à déterminer la présence historique de forêt dans des paysages de landes littorales où l'arbre est absent aujourd'hui, et par la même occasion de faire le lien entre les sites d’occupation humaine et le paysage végétal des falaises littorales bretonnes. Pour cela, nous avons mené une étude pédo-anthracologique des landes littorales de Bretagne, c’est-à-dire l’étude des charbons de bois présents dans le sol. Pour récupérer ces charbons, plusieurs étapes sont nécessaires : creuser, extraire la terre, la tamiser pour récolter des morceaux de végétation carbonisée de 2 à 4 mm. Les espèces végétales sont déterminées et une datation au carbone 14 permet de connaître les dates des feux. Des charbons de bois ont été découverts sur tous les sites étudiés, en différentes quantités et issus de différentes espèces, principalement de landes, mais aussi des arbres, principalement du chêne, brûlés il y a plusieurs milliers, parfois plusieurs centaines, d'années. Il y avait donc des arbres sur les caps rocheux et sur les falaises de certaines îles bretonnes, ce qui nous renseigne sur la trajectoire des socio-écosystèmes* : les sociétés humaines, en agissant sur leur environnement, ont contribué à façonner le paysage tel qu’on le connaît aujourd’hui. »
Après avoir soutenu sa thèse en novembre 2024, Erwan Glemarec est maintenant post-doctorant et ingénieur de recherche à l’UBO. Son objectif ? Traduire les données et connaissances obtenues lors de sa thèse en éléments concrets d’aide à la décision en aménagement de l'espace, pour les gestionnaires de milieux naturels et les élus du territoire : « Il y a un réel engagement des partenaires du projet pour participer à la valorisation et la diffusion des résultats et les rendre applicables pour la gestion des espaces naturels et la conservation du patrimoine culturel. Les connaissances des usages du passé, et leurs implications sur les paysages d’aujourd’hui, contribuent à prendre les bonnes décisions de gestion des espaces pour demain, notamment dans un contexte de changements globaux où nous devons repenser notre manière de nous approprier les milieux naturels et notre rôle pour leur conservation. »
*Les socio-écosystèmes, ou systèmes socio-écologiques, sont le résultat d'interactions complexes entre les écosystèmes et les sociétés humaines.
Iness Bernier, l’archéologue plongeuse
Iness Bernier étudie des barrages de pêcherie au laboratoire LETG (Littoral – Environnement – Télédétection – Géomatique) de Brest. Elle est notamment responsable des opérations d’archéologie sous-marine sur le projet Walls of Weirs : Prehistory of Submerged Fishtraps (WAOW).

L’archéologie sous-marine a pour but d’étudier les traces du passé, soit en contexte sous-marin (mer ou océan) ou subaquatique, soit dans les eaux intérieures (lacs, fleuves, cours d’eau). Une discipline qu’Iness Bernier a découverte à la fin de sa licence en archéologie, quand elle est partie lors d’un échange universitaire à Chypre, dans le cadre du programme Erasmus à Chypre. C’est alors le coup de cœur, une évidence pour l’étudiante qui fait de la plongée depuis ses 18 ans.
Un métier “Waouh” pour un projet “WAOW”
Après un master en “Archéologie et Préservation du Patrimoine Maritime” à l'Université de Perpignan Via Domitia puis un master 2 “Sciences pour l'Archéologie” à Nantes Université, Iness Bernier est recrutée en août 2024 au laboratoire LETG de Brest. Elle est notamment responsable des opérations sur le projet Walls of Weirs : Prehistory of Submerged Fishtraps (WAOW), dédié à l’étude, la cartographie et l’analyse détaillée des pêcheries submergées le long des côtes atlantiques françaises. Objectif : enrichir la compréhension des interactions entre les sociétés humaines et leur environnement littoral depuis la Préhistoire. “Les pêcheries sont des barrages à poisson, qui ressemblent à des murs de pierre. Plus elles sont situées dans les profondeurs, plus elles sont anciennes, explique Iness Bernier. Mon objectif est d’aller chercher ces pêcheries les plus anciennes, afin de les étudier archéologiquement, de comprendre comment elles fonctionnaient.”
Le but du projet WAOW est aussi de mettre au point et de partager une méthodologie d’archéologie sous-marine en contexte difficile. “On a beaucoup évolué dans l'archipel de Molène qui est situé dans des zones où la profondeur n’est pas très grande et où le courant est fort. On a donc pu véritablement éprouver la méthodologie que l’on a mise en place”, indique Iness Bernier.
L’archéologue effectue également des prélèvements de pierre qui servent à des travaux de recherche sur la datation des barrages de pêcheries par luminescence stimulée optiquement (OSL)*.
Un processus très rigoureux
En amont d’un sondage* ou d’une fouille, l’archéologue effectue des prospections en se rendant sur le site pour prendre des photos, des mesures, sans faire de prélèvement. “Il y a une méthodologie très stricte à suivre, définie par une autorité compétente, le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM)”, précise Iness Bernier.
Des outils de pointe
Pour conduire ses missions sur le projet WAOW, Iness Bernier a pu s’appuyer sur l’équipe de plongeurs de l’IUEM ainsi que sur des technologies de pointe. “On a eu la chance d’avoir le soutien de l’ENSTA Bretagne qui a fait pour nous des levés bathymétriques* via un sondeur multifaisceaux leur bâteau, La Mélité, ainsi qu’avec leur drone de surface, Otter”, ajoute Iness Bernier.”
*Dans le cadre d’une thèse sur "Dater les barrages de pêcheries en pierres à travers l'OSL (PEPITO)" d’Arthur Jumaucourt, doctorant au laboratoire GéoSciences Rennes.
*Un sondage archéologique est une intervention de terrain réalisée par les archéologues. Il s’agit d’une exploration partielle, destinée à évaluer le potentiel archéologique d’un site, avant d’éventuelles fouilles plus étendues.
*Un levé bathymétrique permet de mesurer la profondeur d’une surface immergée et le relief des fonds marins via un sondeur.
Yvan Maligorne : archéologie et histoire de l’Antiquité

Étudier, dater et faire parler des éléments architecturaux antiques pour reconstituer des monuments, apporter un éclairage nouveau sur un site archéologique, c’est ce qui porte depuis plus de 30 ans Yvan Maligorne, Maître de conférences en histoire ancienne et membre du Centre de recherche bretonne et celtique (CRBC) de l’UBO. Entretien.
Pourquoi vous êtes-vous intéressé à l’histoire ancienne et plus particulièrement la période romaine ?
Je me suis passionné très jeune, dès la sixième, pour l’histoire ancienne et la période romaine, ainsi qu’à l’architecture. J’ai donc entrepris une licence d’histoire après le baccalauréat. Ma spécialisation vers l’archéologie et l’histoire de l’art est arrivée plus tardivement au cours de mes études, lorsque j’ai pris conscience que j’étais plus captivé par les vestiges matériels que par les sources littéraires. J’ai ensuite poursuivi mon parcours en master de recherche puis en doctorat, avec une thèse sur “Architecture et décor architectonique dans les cités de l'ouest de la Gaule”. Je voulais travailler sur un sujet régional, avec l’étude d’éléments architecturaux et de monuments que je pouvais voir souvent, afin d’entretenir une forme d’intimité avec mon objet de recherche.
C’est ce travail de thèse qui vous a donné envie de devenir enseignant-chercheur ?
Je me voyais au départ faire de l’archéologie de terrain. Il se trouve que l’on m’a demandé d’assurer des cours, parce qu’un enseignant était en congés de recherche, et j’ai adoré cela. On m’a ensuite demandé régulièrement d’enseigner, et plus j’ai enseigné, plus j’ai aimé ce métier. Mon doctorat m’a donné également envie de prolonger mes travaux de recherche. Utiliser des blocs architecturaux un peu délaissés, que l’on ne savait pas faire parler jusqu’alors, pour renouveler l’approche d’un site, c’est ce qui m’intéresse en premier lieu.
Vous vous voyez plus comme un historien ou un archéologue ?
Pour l’Antiquité, cette question se pose dans des termes un peu particuliers. Nous n’avons pas assez de sources pour nous permettre une spécialisation excessive. Je me vois comme quelqu’un s’intéressant au passé de certaines régions, à certaines époques. Pour cela, j’interroge surtout les vestiges archéologiques, mais je les étudie toujours en prenant en compte les sources écrites.
Quels sont les grands projets archéologiques auxquels vous contribuez actuellement ?
Je suis mobilisé depuis de nombreuses années sur deux grands projets : l’étude de la collection lapidaire de Narbonne, débutée en 2012, avec plusieurs centaines de blocs d’architecture romaine à analyser, et l’étude du site archéologique exceptionnel de Dougga, situé en Tunisie.
Qu’apportent ces collaborations internationales, comme à Dougga ?
L’intérêt de ces projets de recherche internationaux est qu’ils nous permettent d’étudier des sites sans aucun équivalent ailleurs, et qu’ils nous invitent à nous confronter à d’autres manières de faire et à d’autres méthodes, ce qui est très enrichissant. Bien que l’archéologie et l’histoire de l’art soient des disciplines anciennes et consolidées, il y a des traditions nationales propres à chaque pays. De plus, les formations et les moyens peuvent être très différents d’un pays à l’autre. Je me sens par ailleurs de plus en plus préoccupé par la transmission des connaissances aux populations locales. Je suis frappé par l’attachement des gens à leur patrimoine, par le fait que ces sites sont aussi des lieux de rencontres entre des personnes issues de pays et de cultures très différentes. Cela me touche beaucoup.
Cristina Gandini « Partout, l’archéologie préserve la mémoire collective »
Comment êtes-vous devenue archéologue ?

L’archéologie s’est imposée très tôt dans mon parcours : c’est un rêve d’enfance. J’ai étudié l’histoire de l’art et l’archéologie à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Dès la première année de Licence, j’ai su que je voulais m’orienter vers l’archéologie, et j’ai poursuivi dans cette voie jusqu’au doctorat. Je me suis spécialisée dans l’étude des dynamiques de peuplement et de l’organisation des territoires durant l’Antiquité. Après un post-doctorat dans le cadre de l’ANR Archaedyn, j’ai été recrutée en 2012 à l’Université de Bretagne Occidentale. C’est là que j’ai approfondi mes travaux sur les interactions entre l’Homme et son environnement dans le Finistère, un territoire d’une grande richesse archéologique, offrant de nombreuses opportunités de recherche.
Pourquoi la recherche ?
Ce que j’aime dans la recherche, c’est le travail d’enquête. Je pense que j’aurais pu m’investir dans n’importe quelle thématique archéologique, car ce qui m’intéresse, c’est le raisonnement scientifique : formuler des hypothèses, les tester, trouver la bonne méthode pour répondre à des questionnements et démêler une problématique historique. L’archéologie est par nature pluridisciplinaire : elle fait appel à la fois aux sciences humaines et sociales, mais aussi aux sciences de la Terre, à la chimie, à la physique… Cette diversité de regards et de compétences est extrêmement stimulante.
Ce qui m’attire dans cette discipline, c’est avant tout son aspect humain : comprendre comment les hommes et les femmes vivaient, comment les sociétés s’organisaient, quels étaient leurs rapports à l’espace, à leur environnement et aux techniques. L’archéologie va bien au-delà d’une simple collecte d’objets ; elle vise à reconstituer les modes de vie, les innovations et les adaptations des populations face aux défis de leur époque.
L’archéologue est encore souvent vu comme un aventurier tel Indiana Jones. Mais finalement, on peut faire de l’archéologie partout ?
Oui, absolument ! L’archéologie se pratique partout où des sociétés humaines ont vécu, quels que soient la période ou le type de vestiges. Cela peut aller de la Préhistoire au passé le plus récent, y compris le XXe siècle et notre temps présent. Par exemple, l’archéologie des conflits contemporains est en plein essor ces dernières années.
Même si mes recherches actuelles se concentrent principalement sur la Bretagne, j’ai l’opportunité de travailler dans d’autres contextes, comme sur le site antique de Baelo Claudia, en Andalousie, où nous menons une étude sur l’approvisionnement en eau de la ville. Cela montre bien qu’entre un champ dans les Monts d’Arrée et les ruines d’une cité antique au bord de l’océan atlantique, l’archéologie peut nous emmener partout, y compris dans des contrées moins « exotiques ».
Quel est votre meilleur souvenir en tant que chercheuse ?
Le site de Briou* restera un moment marquant, à la fois sur le plan scientifique et humain. Les résultats obtenus sont remarquables, tant pour la compréhension de la chaîne opératoire du métal à l’âge du Fer que pour les nouvelles perspectives qu’il ouvre sur la métallurgie ancienne en Bretagne. Mais ce que je retiens aussi, c’est l’expérience humaine : l’équipe d’étudiants et de collègues est formidable, les échanges riches et enthousiastes, et la rencontre avec les propriétaires du terrain particulièrement heureuse. Ils nous ont ouvert leurs champs avec une grande curiosité et générosité. Ce type de collaboration, entre chercheurs, étudiants et habitants, est ce qui rend notre métier aussi passionnant. Plus largement, ces dernières années ont été très stimulantes : nous avons lancé plusieurs projets ambitieux et la dynamique de recherche autour des questions environnementales et techniques ne cesse de s’enrichir.
*Pour en savoir plus sur les fouilles au Briou, consultez l'article "Mines et ateliers de l’âge du Fer : un patrimoine métallurgique et environnemental oublié des Monts d’Arrée"
Zoom sur ... deux projets archéologiques terrestres et maritimes de l’UBO
Sur l’île de Béniguet, au large d’Ouessant, se trouve un site archéologique exceptionnel, découvert au hasard d’une tempête en 2014. La dune ravagée laisse alors entrevoir un amas de coquillages, composé de plusieurs couches de sédiments, parmi lesquels on peut trouver de nombreux écofacts (coquilles, faune terrestre et marine, charbons, etc.) et artefacts (silex, céramique). Ce ne sont ni plus ni moins que les détritus laissés par les populations autochtones depuis l’âge de bronze ! Il n’en fallait pas moins à deux archéologues chevronnés, Yvan Pailler et Clément Nicolas, pour s’y intéresser et projeter des fouilles pour le mois d’août 2021. Le chantier de « pors ar puns » est né de cette découverte, et du soutien de l’Office français de la biodiversité (OFB), le Parc naturel marin d'Iroise, le Ministère de la Culture, le CD29, l’Agence Nationale de Recherche (l’ANR), ISblue et l’UBO.
Retracer le mode de vie des insulaires de la préhistoire, sur un site menacé par l’érosion, en plein cœur d’une réserve naturelle, voilà qui promettait une aventure humaine et scientifique très formatrice. C’est pourquoi Yvan Pailler et Clément Nicolas ont dès le départ envisagé un chantier-école, ouvert aux étudiantes et étudiants, aux autres scientifiques (géologues, biologistes, géographes) ainsi qu’aux amateurs passionnés.
Les fouilles sont suivies de stages post-fouilles à la faculté des sciences et techniques, ainsi qu’à l’IUEM. Objectif : nettoyer, tamiser, trier, classer et ensacher tous les sédiments trouvés lors de la fouille : coquillages, silex, faunes, restes humains... Cette étape a lieu hors du terrain. Les étudiantes et étudiants présents sur l’Ile de Beniguet participent alors à la post-fouille des éléments recueillis à Beniguet. Des chercheuses et chercheurs de différentes disciplines (géographes, pétrographes, cartographes...) sont également présents pour présenter des conférences flash sur une thématique précise et voir ce qu’il est possible d’exploiter à partir des sédiments classés.
Chaque mois d’août depuis 2021, la fouille reprend sur l’île, et en dévoile peu à peu ses trésors. La première campagne de fouille en 2021 a permis de reconnaître trois amas coquilliers superposés et étendus sur plusieurs centaines de mètre carrés se rapportant au Néolithique final/Campaniforme (2900-2200 av. n. è.), à l’âge du Bronze ancien (2200-1600 av. n. è.) et au haut Moyen Âge (600-800 ap. n. è.). En 2022, ce sont des murets en pierre sèche qui ont été repérés qui correspondent à de probables vestiges d’habitats. En 2024, les archéologues ont découvert un crâne humain puis un cimetière datant du 7è ou 8è siècle après Jésus-Christ, soit le Haut Moyen-Âge, période encore à ce jour mal connue en Bretagne.
La Bretagne offre un terrain particulièrement riche pour l’étude de la métallurgie ancienne du fer. Plus de 1 700 ateliers de production du fer y ont été recensés, s’échelonnant de l’âge du Fer jusqu’à la période moderne, dont environ 400 rien que dans le Finistère. Une vingtaine de mines sont également connues dans l’ensemble de la région.
Un programme de recherche archéologique, Archéométal-armoricain, mobilisant plusieurs partenaires scientifiques, est actuellement en cours pour documenter et analyser ces vestiges. Certains sites sont bien étudiés, comme les forges de Paimpont dans la forêt de Brocéliande (Ille-et-Vilaine), tandis que d’autres secteurs demeurent encore largement méconnus. C’est notamment le cas dans les Monts d’Arrée.
Le site de Berrien, où un ensemble minier associé à des bas fourneaux datant de l’âge du Fer a été découvert en 2022, offre l’opportunité de combler cette lacune.
Cristina Gandini, enseignante-chercheuse en archéologie au Centre de recherche bretonne et celtique (CRBC), présente ici les premiers résultats de cette découverte prometteuse, qui éclaire d’un jour nouveau les pratiques métallurgiques anciennes et leur impact sur l’environnement.
« Notre programme de recherche porte principalement sur les lieux de production primaire, c’est-à-dire les ateliers produisant le métal brut. Les plus anciens remontent au tout début de l’âge du Fer, soit aux environs du VIIIᵉ siècle avant notre ère ». Depuis 2022, une étude de cas est en cours sur un site localisé entre Berrien et Le Cloître-Saint-Thégonnec, dans les Monts d’Arrée. Ce secteur est déjà connu des archéologues, notamment grâce aux fouilles menées dans les années 1980 sur le hameau de Goënidou, aujourd’hui ouvert au public.
La découverte du site du Briou a commencé de manière inattendue : « c’est le propriétaire du terrain qui a pris contact avec nous après avoir repéré des scories* dans l’un de ses champs. Plus exactement, c’est sa petite-fille, intriguée par « ces drôles de cailloux », qui l’a incité à chercher des explications. Après une première visite et une datation par radiocarbone* d’un fragment de charbon trouvé dans l’une des scories, l’activité du site a été rattachée au Premier âge du Fer (VIIIe - Ve siècle av. J.-C.). »
*Les scories sont des déchets provenant de la réduction de minerais de fer, témoins de la présence d’anciens ateliers.
*Méthode de datation par carbone 14.
Et aussi...
Les secrets du tumulus de Leuhan
Clément Nicolas et Yvan Pailler, ainsi que toute leur équipe de scientifiques et de volontaires, ont suivi en 2021 les traces de Paul du Chatellier, préhistorien qui a découvert en 1900, dans le tumulus de Leuhan, au lieu-dit Saint-Bélec, une dalle en schiste gravée datant de l’âge de Bronze. Les deux chercheurs ont rouvert ce tumulus et ont retrouvé en 2022 la tombe dont est extraite la dalle, ainsi que des morceaux de cette dalle que Paul du Chatellier n’avait pas collectés. Dalle qui s’est avérée être la plus ancienne carte d’un territoire en Europe !
L’objectif de Clément Nicolas et de Yvan Pailler a ensuite été de prospecter autour du site, à l’aide de ce document cartographique, afin de repérer les carrières exploitées par les habitants de Saint-Bélec à l’âge de Bronze pour construire cette tombe d’élite. Cinq roches principales constituent en effet cette tombe, ce qui a donc demandé des efforts considérables à l’époque pour les extraire et les apporter jusqu’au tumulus. Les fouilles à Leuhan sont désormais terminées et les deux archéologues préparent la publication d’une monographie dédiée.
Géomyth’Ys : mythes ou vérité ?
Porté par le chercheur Axel Creach, le projet ANR Géomyth’Ys a pour objectif de mesurer le décalage qu’il peut exister entre récits, mythes, contes et légendes d’ensablements, de submersion ou d’ensevelissements, et la réalité en Bretagne historique.
Bien que transformé par les ajouts et le temps, il est vraisemblable qu’une partie de ces récits ait pour point de départ des événements de submersions ou d’ensablements qui se soient réellement produits.
Géomyth’Ys réunit autour de cette hypothèse une équipe interdisciplinaire associant géographie, archéologie et ethnolinguistique ainsi que des partenaires scientifiques et culturels.
« Je me définis comme une geoarchéologue »
Dans sa thèse, Aneta Gorczynska mêle archéologie, géomorphologie, géographie, géophysique et histoire pour comprendre l’évolution du paysage et de la population du littoral breton au cours des 8 derniers millénaires.
Découvrez comment en 3 minutes et 8 questions en vidéo avec la série #Parenthèse.

Un port à la pointe St Mathieu ?
La pointe Saint-Mathieu est l’un des principaux sites touristiques du Finistère avec plus de 200 000 visiteurs par an. C’est aussi un lieu d’histoire étudié depuis 50 ans, mais qui n’a pas encore révélé tous ses secrets.
Arnaud Ybert est maître de conférences en histoire de l’art et archéologie médiévale au CRBC. Spécialiste des techniques de construction, particulièrement sur la période du 12ème au 13ème siècle, il mène depuis 4 ans un projet de recherche sur l’histoire du site abbatial de Saint-Mathieu avec l’appui de l’association des amis de Saint-Mathieu.
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